Un jour comme les autres, à la même heure, au même endroit. Routine, pensées semblables, soupirs, menton qui s’affaisse dans une main dont le bras était appuyé contre la jambe repliée. Le jeune Silas s’était encore une fois rendu sur le toit, cherchant récemment un peu de tranquillité malgré le fait que celui-ci préférait exercer une activité plutôt que d’avoir à se retourner les mêmes pensées encore et encore. Pourquoi fantasmait-il autant sur « lui » ? Lui même ne connaissait pas la réponse. C’était plutôt étrange voire complètement malsain d’éprouver un tel sentiment envers quelqu’un de si proche ; c’était le pêché, ce qu’on devait bannir férocement et pourtant il ne pouvait se résoudre à une telle solution puisqu’il ne le souhaitait pas.
Actuellement il n’avait qu’un amant et un seul ; celui qui hantait ses rêves et qui animait son corps comme jamais. Il s’était secrètement juré qu’il n’y aurait que cette personne dans sa vie et que quitte à se brûler les ailes, il se jetterait dans le feu ardent à en mourir, à en souffrir jusqu’à atteindre le point de non retour. Et là, il parlerait afin de crever l’abcès, afin de se révéler, d’exposer sa honte, horrible et désastreuse ; celle d’aimer un de ses semblables car non seulement il était du sexe fort mais en plus le sang qui coulait dans ses veines ressemblait au « sien ». Pas que son sang d’ailleurs, son apparence physique aussi, tant par la couleur de ses prunelles que par ses cheveux, le teint de sa peau mais aussi sa langue natale. Pourtant, à ses yeux, il était un dieu ; oui, un de ces dieux grecs qu’on vénérait, celui à qui on baisait les pieds et devant lequel on mettait genou à terre, ployant sous sa beauté. Le jeune homme était esclave de ses sentiments, complètement obnubilé par cet être de chair et de sang… Etait-ce un crime que d’avoir à fantasmer sur cet homme ? Que de brûler de désir au point de parcourir son corps de ses propres mains en imaginant celles de son amant jusqu’à atteindre le point culminant ? Obsession. Voilà la maladie dont était atteint Silas. Il le savait et ne cherchait pas à s’en guérir car en parler à quiconque serait se faire mépriser ; c’était tabou, sale et mal. L’inceste avait toujours été dénigré dans n’importe quel peuple qu’il soit, néanmoins il avait toujours existé, à travers les différentes époques, plus ou moins caché ou révélé. Ah ! Dirait-ton, il fait honneur à son origine, les grecs étaient forts pour oser entretenir des relations particulières, surtout de maître à élève ! Laissez-moi vous dire que ce n’était plus d’actualité. Certains s’évertuaient encore à croire en cette pensée, sans doute menés par une chimère étrange.

Le jeune homme aux cheveux châtains secoua la tête et se passa une main dans sa tignasse déjà en bataille, respirant plus fort que prévu et soupira puis se leva enfin pour s’étirer, se dirigeant vers le bord du bâtiment. D’ailleurs étrange pour un bâtiment de qualité exceptionnelle d’avoir permis un accès aux toits. Pas très européen tout ça… Ce n’était pas important, du moins pas autant que le remue-méninge qui se tramait dans sa tête. Aux grands maux les grands remèdes ! Bien décidé à laisser tout cela de côté, le garçon aux yeux d’un vert oscillant entre l’émeraude et le vert pelouse préféra s’allonger au sol, réfléchissant à ce qu’il pourrait faire ce soir. Tout d’abord du sport, et après sans doute une bonne douche puis un peu de lecture en suivant voire peut-être tenter de discuter avec un voisin de chambre. Pour le moment il n’avait pas de camarade, et dans un sens tant mieux car quand ce jour arrivera, comment fera-t-il lorsqu’il sera en proie à une de ses nombreuses pulsions ? Rien que le fait d’y penser lui donna des frissons. Malheureusement ici il n’y avait pas de choix et la règle était que les chambres devaient être doubles et pire encore, on ne connaissait pas son partenaire. Les rangs étaient mélangés – sauf pour le personnel - ; ce qui signifiait qu’on pouvait très bien se retrouver avec plus vieux que soit, donc obéissance au plus âgé. Le grec n’aimait pas trop le principe dans la mesure où il n’obéissait pas à n’importe qui et sûrement pas à ce qu’il appelait un « merdeux ». A le voir, on penserait que le jeune Silas était un garçon adorable, avec son visage doux et ouvert, pourtant il fallait se méfier de ce que l’on voyait car monsieur avait du caractère et n’hésitait pas à répondre au tac au tac lorsqu’il le jugeait nécessaire. On avait toujours tendance à le confondre avec un enfant ou un gamin à cause de sa taille ce qui était une grave erreur car détrompez-vous, il était adulte dans sa tête et si quelqu’un avait l’audace de lui dire le contraire, il pouvait facilement se mettre en colère. Il y avait des choses comme celles-là qui le mettaient hors de lui et celle-ci était un parfait exemple. Si le jeune grec était gentil, il n’en demeurait pas moins insupportable lorsqu’il entrait dans la phase énervement. A ce moment-là, personne ne devait le toucher sous prétexte de se retrouver incendié par une voix quasi-hystérique.

Bien préparé à entamer un petit somme, il fut inévitablement interrompu par un bruit de pas et une porte qui s’ouvrit, laissant apparaître de grandes jambes. Le plus jeune se releva rapidement, les cheveux encore plus décoiffés et observa l’imposante silhouette qui lui paraissait géante.


« Salut »


Se contenta-t-il de dire, tripotant une nouvelle fois les mèches rebelles afin de paraître plus crédible face à ce géant qui se tenait droit devant lui.